La sexualité à la lumière de la Bible :
La Solitude Originelle
Sommaire
Le christianisme est la religion du corps car elle est fondée sur l’Incarnation. Comme il est écrit dans la Bible, nous sommes à l’image de Dieu, mais cela, non pas malgré, mais avec notre corps. On est très loin de la vision puritaine attribuée aux chrétiens qui n’aimeraient pas le corps ou qui en feraient l’objet de tout mal.
1 Lorsque Jésus eut achevé ces discours, il quitta la Galilée, et alla dans le territoire de la Judée, au delà du Jourdain.
2 Une grande foule le suivit, et là il guérit les malades.
3 Les pharisiens l’abordèrent, et dirent, pour l’éprouver: Est-il permis à un homme de répudier sa femme pour un motif quelconque?
4 Il répondit: N’avez-vous pas lu que le créateur, au commencement, fit l’homme et la femme
5 et qu’il dit: C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair?
6 Ainsi ils ne sont plus deux, mais ils sont une seule chair. Que l’homme donc ne sépare pas ce que Dieu a joint.
7 Pourquoi donc, lui dirent-ils, Moïse a-t-il prescrit de donner à la femme une lettre de divorce et de la répudier?
8 Il leur répondit: C’est à cause de la dureté de votre coeur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes; au commencement, il n’en était pas ainsi.
9 Mais je vous dis que celui qui répudie sa femme, sauf pour infidélité, et qui en épouse une autre, commet un adultère.
Mathieu 19 (1-7)
Dans cet extrait, le Christ répond en somme aux pharisiens que si on veut comprendre le sens profond de la sexualité et des relations conjugales, il faut sortir des idées tout faites, du permis/défendu, il faut sortir d’un cadre purement légaliste et remonter à la source.
Quel est le Plan de Dieu aux origines ?
La signification de cette origine demeure comme un « écho lointain » gravé dans le cœur de tout homme et de toute femme.
Revenons à la Genèse.
La Genèse n’est ni un récit scientifique ni un mythe, elle révèle certaines réalités historiques mais surtout elle donne un sens à l’histoire de l’humanité. Elle ne dit pas comment l’humanité a surgi et a été humanisé mais elle explique pourquoi.
Dans la Bible, il y a 2 récits de la Genèse qui sont complémentaires.
Le premier récit, le chapitre 1 de la Genèse, est en fait le plus récent et date de -300 av. JC. Ce récit raconte la création du monde en six jours avec l’alternance bien connue «Dieu dit…, Dieu fit…, Dieu trouva que cela était bon ».
Le sixième jour, ajoute cependant une nuance importance. Dieu dit « Faisons ». Ce pluriel évoque dès ici le pluriel des trois personnes divines. C’est toute la Trinité qui est à l’œuvre dans la création de l’Homme.
Ceci est primordial car pour savoir ce qu’est vraiment l’Homme, il ne faut pas chercher du côté de l’animal ni des autres êtres créés, mais du côté de la ressemblance avec Dieu. De la même manière, le sens de la sexualité humaine n’est pas à chercher du côté de l’animal mais du côté de la ressemblance avec Dieu.
Ainsi, la tradition janséniste qui voudrait que la sexualité humaine soit la part animale de l’homme est complètement fausse. Et l’Église l’affirme clairement
2332 La sexualité affecte tous les aspects de la personne humaine, dans l’unité de son corps et de son âme. Elle concerne particulièrement l’affectivité, la capacité d’aimer et de procréer, et, d’une manière plus générale, l’aptitude à nouer des liens de communion avec autrui.
Catéchisme de l’Église Catholique
Il y a aussi une autre différence avec les autres éléments de la Création. Les autres jours, il est écrit «Dieu vit que cela était bon » alors que pour la création de l’Homme, on peut lire : «Dieu vit que cela était très bon». Cela montre bien à quel point l’Homme est le chef d’œuvre de la Création.
Le deuxième récit , le chapitre 2 de la Génèse, est plus ancien et date -700 av JC. Ce texte se focalise sur la création de l’homme puis de la femme.
Le Seigneur Dieu dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je vais lui faire une aide qui lui correspondra. »
Gen 2,18-20
Après avoir créé l’Homme, pour qu’il ne soit pas seul, Dieu crée les animaux. Mais, parmi ceux-ci, l’Homme « ne trouva aucune aide qui lui corresponde ».
C’est par son corps que l’homme comprend qu’il est seul, car aucun autre être vivant ne lui ressemble, ne lui correspond.
Quel est l’enseignement que nous pouvons tiré de cette solitude que l’Homme expérimente dans son corps ?
1. Grâce à notre corps, nous nous distinguons du reste de la Création
Grâce au corps, nous prenons conscience que nous sommes séparé du reste de la Création. Nous expérimentons notre limite grâce à cette enveloppe charnelle. C’est par le corps que l’homme fait cette distinction, qu’il prend conscience de son autonomie propre. Il ne fait pas partie d’un grand tout indistinct et donc il prend conscience de sa valeur propre. Ainsi le corps nous renvoie au sujet unique que nous sommes. L’Homme, par son corps, découvre qu’il est un sujet, alors que le monde se rapporte à lui comme un objet.
Il est cependant à noter qu’au commencement, cette solitude expérimentée par le corps n’est pas sexuelle.
2. « Mon corps, c’est moi »
Cette solitude originelle met ensuite en exergue que le corps n’est pas uniquement le réceptacle de l’âme.
«il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant.»
Genèse 2,7
Dieu nous fait un don, le souffle de vie, que nous pourrions qualifier d’âme et va animer tout le corps.
Dans le langage biblique, quand le mot corps est employé il désigne la personne toute entière, il ne fait pas uniquement référence à la réalité matérielle ; contrairement à la philosophie grecque, où le corps désigne la réalité matérielle et l’âme la réalité spirituelle.
Dans notre société, nous sommes marqués par la philosophie grecque très duale et nous sommes aussi héritiers de la philosophie de Descartes. Ce dernier, en voulant «prouver» l’existence de Dieu, a choisi un chemin qui a exclu le corps et la réalité matérielle. Sa fameuse phrase «Je pense donc je suis» induit que le seul fait de pouvoir penser va m’assurer que j’existe. Le corps n’est donc pas nécessaire à la personne. (Et inversement qu’une personne qui ne peut penser ne doit pas exister.)
C’est ainsi qu’aujourd’hui on arrive à réduire le corps à une machine. Elle peut être vu comme très belle machine mais elle est dissociée de notre personne qui est caractérisée par l’âme. C’est ainsi que l’on est arrivé à séparer les relations sexuelles physiques et l’amour. Le corps présenté d’abord comme un matériel voire un matériau entraine la tentation d’user de ce matériel pour l’améliorer (chirurgie esthétique, transhumanisme, manipulations génétiques…), pour l’utiliser (matériau du corps de l’embryon, sex-friends,…) ou encore pour l’éliminer (euthanasie, avortement).
Notre vision actuelle sépare l’âme du corps alors qu’à l’inverse, le langage biblique qui lui l’unit, qui l’inclut.
Dans la solitude originelle, l’Homme prend conscience que ce corps c’est lui-même. Ce passage du «J’ai un corps» à «Je suis mon corps» est fondamental pour être unifié. Ainsi on prend conscience que ce corps, limité, c’est moi, on va percevoir que son corps est l’expression de sa personne et qu’à travers son corps se dit quelque chose de moi.
Notre corps est aussi porteur de dynamiques qui lui sont propres et qui ne surgissent pas de notre âme et de notre volonté. Certains appellent ces dynamiques des pulsions (c’est la vision freudienne) ou encore des instincts, des passions, des élans, des désirs… Tout cela c’est notre corps qui le porte et cela a été déposé en nous par Dieu pour notre bien. Nous avons à l’honorer.
3. Le corps permet de préserver notre liberté.
De prime abord, le corps parait être celui qui limite notre liberté. En effet, à cause de notre corps, nous ne pouvons pas courir à 120 km/h ou voler. Nous sommes contraints.
Mais en réalité, ce sont ces contraintes et ce corps qui préservent notre liberté.
Dans son caractère limité, dans son caractère contingent, dans son caractère concret, le corps va empêcher l’autre quel qu’il soit de nous posséder et de nous mettre totalement la main dessus. Nous ne pouvons pas être totalement en fusion avec l’autre. Il y a toujours cette interface du corps qui va nous préserver. Ce corps crée ainsi en nous comme un sanctuaire où l’autre ne pourra pas pénétrer. Il pourra certes maltraiter le corps mais le corps va préserver un espace pour la liberté. Il peut y avoir des manipulations mentales mais le corps est celui qui nous rappellera sans cesse cette distinction «Je suis unique», tout simplement parce que limité.
4. Le corps à la double fonction de nous cacher et de nous dévoiler.
Ce dernier aspect est un peu la conséquence du précédent à savoir la préservation de la liberté.
Le corps est l’interface pour communiquer et entrer en relation avec l’autre.
Mon corps présente aux autres d’une part un voile car je ne suis pas complètement transparent, un voile qui cache ma personnalité profonde et qui en même temps, me permet de me manifester aux autres.
De la solitude originelle à la solitude de l’adolescence
L’expérience de la solitude originelle d’Adam, nous l’avons tous vécu au début de notre adolescence. Quand la conscience de soi, la conscience d’être une personne se développe, que nous prenons conscience de notre corps, cela se traduit par une demande d’intimité. L’adolescent semble alors se refermer sur lui-même et cette étape est essentielle à sa construction. Elle doit appeler beaucoup de respect de la part des parents. C’est nécessaire et bénéfique pour l’adolescent de faire l’expérience de cette solitude et de ce manque pour pouvoir ensuite se tourner vers les autres et apprendre à aimer en vérité.
Car cette solitude originelle nous amène à comprendre que nous sommes des êtres de relation.